Action syndicale – Prix du lait en GMS – 11/08/2022

A défaut d’un tour de France, c’est un tour de l’Eure qu’a réalisé la FNSEA 27 le jeudi 11 août dernier. Dans une course contre la montre pour la réévaluation du prix du lait, une délégation d’une quinzaine de producteurs est allée à la rencontre des responsables de la grande distribution. Intermarché, Lidl, Système U et Leclerc ont fait preuve d’une écoute bienveillante mais cela ne suffira pas à éteindre le feu qui couve dans les étables.
 
Même prévenus par courrier recommandé, tous les recevants ont salué la méthode. Visiblement, la grande distribution préfère discuter avec le syndicalisme agricole, physiquement ou en visioconférence, dans une salle de réunion plutôt qu’aux portes des magasins sous la menace de quelques bennes de fumier. Il ne faut cependant pas s’y tromper, l’un n’empêche pas l’autre. Jeudi 11 août, Laurent Duclos (président de la section Lait FNSEA 27) et ses homologues ont privilégié le préventif mais grand danger si rien ne bouge. La canicule estivale a fait monter la pression d’un cran. Il est encore de réagir mais la fenêtre de tir est limitée. Sans réponse sous forme de monnaie sonnante et trébuchante, la situation pourrait devenir explosive, voire incontrôlable. 
 

Une hausse immédiate de 40

Et comme il y a urgence, il faut être clair et concis dans les revendications. Pour la FNSEA 27, elles se déclinent selon 3 points principaux : pas de brique de lait à moins de 1 e dans les rayons, pas de beurre francisé mais fabriqué en réalité avec de la crème hors UE quitte à frôler la rupture de stock et enfin revenir à une communication positive pour remettre l’alimentation au cœur de la préoccupation des Français. Quelle conséquence dans le tank ? Une revalorisation de 40 e/1 000 litres payée au producteur en attendant un système de prise en compte des coûts de production plus réactifs car la sécheresse risque bien de faire exploser les compteurs. 
Réponses de la grande distribution : « on entend clairement que vous êtes au bord du précipice ». « Pas de lait à moins d’un euro, on va faire le nécessaire pour que cela ne se reproduise pas ». « On va monter à 82 centimes début septembre ». « Une fois que tout le monde est à 82 centimes, on monte tous à 99 centimes, ça peut aller très vite ». « Un euro pourquoi pas mais à condition que l’on sache combien touchent réellement les producteurs »…
On pourrait croire qu’il suffisait simplement de demander car la grande distribution est unanime sur un point : « aucune difficulté à faire passer les hausses des MPA ». Mais après les propos de bonnes intentions, ça se complique un peu et la transparence trouve ses limites. Pas facile de se faire une opinion objective dans ce qui s’apparente presque à une jungle des chiffres. On peut supposer cependant que les hausses des MPA (matières premières agricoles) sont plus ou moins grignotées pas les transformateurs pour compenser les hausses des MPI (matières premières industrielles) qui ne sont pas inscrites dans la loi Egalim. « Nous ne sommes pas responsables de tout, ne vous trompez pas de cible »,clament les grandes enseignes.
Mais la FNSEA 27 ne cible personne en particulier. « Nous n’en sommes plus là. Le temps de la parole est passé, ont insisté Laurent Duclos et Benoît Gavelle. On attend des actes. Nous sommes sur le fil du rasoir. On préfèrerait être sur nos fermes mais il y a urgence à agir ». Le couperet pourrait en effet tomber très vite sur la filière laitière. Lactalis a mis le feu aux poudres en déclenchant la clause de sauvegarde mais Sodial lui a donné des arguments. La prise en compte des coûts de production est une bonne idée mal appliquée. « La vraie solution, c’est de prendre en considération des indices de perspectives », propose un des acteurs majeurs de la grande distribution. L’idée est généreuse de la part d’une enseigne qui se targue d’être moins chère qu’ailleurs plus particulièrement du côté du panier de la ménagère mais en attendant, on fait quoi ? On décapitalise dans les fermes euroise et ailleurs. Et si la souveraineté laitière française venait demain à disparaitre pour quelques centimes d’euro…
 
Th. Guillemot (L’Eure Agricole)
 
 
Les 1 000Ll payés 504 € en moyenne dans l’UE
 
Le seuil des 500 €/1 000 l est franchi dans de nombreux pays européens mais pas en France. Au mois de juin, les 1000 litres étaient payés 504 € selon la Commission européenne. Les prix du lait sont les plus élevés aux Pays-Bas (583 €/1 000 l) et en Irlande (562 € /1 000l). En France, il progresse  depuis le mois de mars mais à 465 €/ 1 000 l, les producteurs sont quasiment payés 100 €/1 000 l de moins qu’aux Pays-Bas. « Les transformateurs ne parviennent  pas à faire passer les hausses auprès des distributeurs », rapporte l’Institut de l’élevage dans sa note mensuelle. Sur un an, les hausses des prix du lait (+79 €/1 000 l) sont compensées par celles des coûts de production 
(+ 67 €/1 000 l). Aussi, les producteurs de lait ne doivent l’augmentation 
de 37 €/ 1 000l de la MILC (1) qu’à la hausse des prix des coproduits et de la viande de vache de réforme en particulier. Estimée à 119 €/1 000 l, la MILC n’a jamais été aussi élevée depuis 2017. Et selon l’Idele, elle devrait continuer de progresser car le prix du lait a encore augmenté au mois de juin.Les prix élevés du lait n’enrayent pas le déclin de la production de lait dans toute l’Union européenne, même dans les pays moteurs (Irlande, Pologne). Selon l’Idele, la collecte de lait était inférieure de 1,6 % à celle de 2021 à la même époque. En matière sèche, le repli est encore plus élevé. En mai, les livraisons de lait ont notamment reculé en France (-2,0% sur un an), en Allemagne (-2,3%) et aux Pays-Bas (- 1%). En France, la collecte baisse en continu depuis 9 mois et atteint son niveau d’étiage de 2013 (2,19 millions de tonnes. Aux Pays-Bas, l’application de normes environnementales contraint les producteurs néerlandais à diminuer les effectifs de leurs troupeaux de vaches et à produire moins de lait.
(1) : Marge indice IPAMPA calculée sur les prix des intrants indicés.